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Vies d’expat : Romain, Hong-Kong

Quand Romain a décidé de faire ses études dans l’hôtellerie il n’avait pas particulièrement pour ambition de faire toute sa carrière à l’étranger. « Moi ce qui m’intéressait c’était de progresser en anglais donc c’est tout naturellement que je suis allé à Londres dès mon diplôme en poche. J’ai adoré. J’y suis resté 2 ans. »

Puis une opportunité s’est offerte à lui pour un poste en France pour un hôtel à La Défense où il sera resté quelques mois. Le temps de réaliser que ce n’était pas cette vie-là qu’il voulait et qu’il avait envie d’une autre façon d’exister. « Cette expérience reste un mauvais souvenir mais si elle devait m’avoir apporté quelque chose de positif je dirais que c’est grâce à elle que j’ai sauté le pas et épousé cette vie d’expatrié que j’adore ».

Parfois il faut une mauvaise expérience pour prendre une bonne décision !

Romain a ainsi intégré Le Méridien Iles des Pins en Nouvelles Calédonie en tant qu’assistant F&B Manager (assistant directeur de la restauration). « C’était une expérience magique car dans un cadre superbe, un magnifique lagon dans un environnement resté assez sauvage. J’y ai fait mes premières plongées au milieu des requins et des tortues… Professionnellement c’était très challengeant et à 25 ans je me suis retrouvé face à des problématiques managériales qui m’ont aidé à me faire bouger et commencer à m’adapter à d’autres cultures. Et ce contrat terminé je n’avais pas envie de rentrer en France. J’avais une vraie passion pour l’Asie aussi je me suis dit que c’était le moment d’aller y vivre quelque chose ».

« C’est comme ça que je suis arrivé à Shanghai en 2007. C’était avant les JO et à l’époque il n’y avait pas beaucoup d’expat là-bas ! J’ai assisté à l’ouverture de la Chine sur le monde, tout s’est fait d’un seul coup, avec un dynamisme de fou. Si tu partais en congé deux semaines quand tu revenais y’avait deux nouveaux restos dans ta rue et une galerie d’art. Je bossais pour un groupe qui avait deux restaurants, nos clients étaient les dirigeants des grands groupes et marques de luxe. J’ai développé mes compétences de Public Relation et je me suis fait un super carnet d’adresse. J’étais au bon endroit à Shanghai ! Puis j’ai rejoint Park Hyatt où je suis resté prés de 3 ans. J’étais en charge du bar le plus haut du monde à l’époque, c’était quelque-chose. Le monde à cette époque était extraordinaire. Nous étions une trentaine de français dans le milieu, on se connaissait tous, et y’avait une entraide vraiment sympa, on n’était pas en compétition. Je n’ai jamais retrouvé ça ! Mais bon les français n’avaient pas tous la côte à l’époque (il rit). Il faut savoir qu’en 2009 les français arrivaient en masse en mode Eldorado. Mais ils n’étaient pas préparés, parlaient très mal l’anglais, avec les mains dans les poches. L’ambassade s’est retrouvée à devoir rapatrier des ressortissants français qui n’avaient même pas les moyens de se payer un billet retour ».

Puis Romain a eu l’opportunité de partir en Thaïlande à Bangkok « Ça m’a toujours attiré la Thaïlande, j’y avais fait des voyages avec mes parents quand j’étais petit. J’étais Assistant directeur F&B pour le Four Seasons. L’hôtel était magique mais le management compliqué. Ça a été très dur les 6 premiers mois mais cette expérience a été charnière car en arrivant de Shanghai j’étais le français arrogant très confiant et direct dans mon management, et pareil avec la clientèle. Mais en Thaïlande il faut être plus fin, plus calme, il faut faire collaborer les équipes et pas arriver en mode c’est moi le boss. Une fois que j’ai commencé à être accepté, j’ai vécu la meilleure expérience ! Mais en 2014 il y a eu le coup d’état et quelques grenades ont été lancées pas loin de l’hôtel et y’a eu des blessés aussi… l’hôtel a fini par fermer pour quelques temps. Le groupe m’a proposé d’aller rejoindre l’équipe de Dubaï pour une ouverture. Je n’étais spontanément pas très attiré par les Emirats Arabes Unis et je ne m’y suis en effet pas senti aligné avec les valeurs et le mode de vie que l’on a là-bas. Et puis l’expérience a été un peu dure professionnellement avec un gros challenge hiérarchique. J’ai cherché à pouvoir retourner en Asie. Mais j’aurai quand même tenu 1 an et demi ! »

« Mes anciens collègues de Hyatt avaient rejoint le groupe Rosewood qui commençaient à faire parler d’eux notamment avec le rachat du Crillon.  Et j’ai eu l’opportunité de rejoindre l’équipe de pré ouverture de leur hôtel de Phnon Penh. Cette opportunité m’attirait parce que c’était un hôtel important de grosse taille et la destination était complexe car le tourisme au Cambodge à ce moment là était à ses début. C’était le pays le plus pauvre d’Asie, encore très marqué par une guerre récente. Je pensais que mon plus gros challenge allait être la formation des équipes, alors qu’au final ça a été le plus facile. L’équipe était vraiment bien ! Nous étions beaucoup d’expat présents au début pour former et donner notre savoir-faire pendant cette période. Les cambodgiens ont été extraordinaires : travailleurs, curieux, avec une envie d’apprendre … ils prenaient des notes, ils apprenaient par eux même, ils regardaient des vidéos… au bout de 6 mois de training ils ont atteint le niveau de connaissance que nous avions acquis en 3 ans d’école hôtelière. Ca reste dans une carrière ça ! Finalement le plus difficile ça a été le développement des liens commerciaux : trouver des fournisseurs locaux a été un vrai casse-tête. On ne trouvait rien de frais.  Nous avons dû tout reprendre à zéro et pousser les producteurs locaux pour aller dans ce sens. »

C’est fort de cette expérience que Romain est arrivé à Hong-Kong pour rejoindre le projet d’ouverture du Rosewood de Hong-Kong. Une expérience qui lui aura encore demandé de se dépasser et qui lui faisait même un peu peur du début : « c’est un gros défi car c’est l’ouverture du Flagship de la compagnie : 413 chambres, 200 résidences, 11 restaurants et bars, le deuxième plus gros service de banquet de la ville avec 250 salariés juste en F&B ! Je savais que ça allait être compliqué mais j’ai trouvé que c’était intense et apprenant. J’ai travaillé non-stop pendant 18 mois. J’ai choisi de quitter le bateau pour laisser la place à quelqu’un de moins épuisé, avec une opportunité de rejoindre un autre projet pour une ouverture au Vietnam. Mais avec la crise du COVID on n’est plus sûr de rien… ».

Je lui demande ce que ça va changer selon lui dans le tourisme cette crise ? «Ça va tout changer c’est sûr ! On peut se poser plein de questions : quel genre de tourisme va disparaître ? Va-t-on évoluer sur un projet plus éthique ? C’est déjà une mouvance. Et puis il va falloir que le monde s’adapte à cette situation. En Asie ils ont déjà franchi le pas. On peut imaginer que c’est parce qu’ils ont déjà eu le SRAS ou alors parce qu’ils sont peu plus agiles et plus adaptables que d’autres ? En décembre à Hong-Kong on portait déjà tous des masques, même les bébés. En Janvier à Bangkok on prenait ta température avant de rentrer dans un Mall et on te donnait du gel. Dans les avions, les compagnies aériennes donnaient des masques aux passagers qui n’en avaient pas. Mais quand je suis arrivé en France en Avril je n’ai eu aucun contrôle ni consigne de sécurité à respecter…».

Nous revenons sur l’image des français en Asie, et sur notre réputation. Romain est clair : « nous avons mauvaise réputation, celle des gens qui critiquent tout, grande gueule et ça nous colle à la peau. Et puis autant il y a 15 ans on avait une image : la mode, la gastronomie etc…mais c’est fini ça. On a toujours un savoir-faire mais on n’est plus les seuls maintenant. Aujourd’hui quand je dis que je suis français je le dis en rigolant, ça passe toujours mieux ! Tu sais j’ai dû être ce français là au début de ma carrière, mais mes expériences m’ont amené à changer et évoluer vers autre chose. Les gens me disent que je suis un bon français maintenant, donc c’est que le changement a dû opérer.

Il faut comprendre qu’on est dans un pays qui n’est pas le nôtre et si tu n’adhères pas tu peux t’en aller. »

Pour finir je lui demande qu’est ce qui l’a aidé durant toutes ces années avec tous ces changements à se sentir chez lui parfois. Il me dit :

 J’aime bien prendre l’apéro avec mes amis : profiter de l’instant présent, bien entouré, avec une bonne bouteille … c’est important ! Ça me fait du bien ces moments-là!

Crédit photo: Ryan McManimie

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