victor-garcia-nDK_3biAGHc-unsplash

Vies d’expat : Nathalie, Singapour

Après 7 années passées à Singapour, Nathalie est dans une phase de son expatriation où ses besoins familiaux deviennent une priorité et la poussent à recalibrer son avenir. Pas de regret dans ses choix, mais plutôt la vie qui fait que ce qui est en haut de la liste maintenant ne l’était pas forcément avant.

Le grand départ elle l’avait déjà vécu, et bien plus jeune, pour ses études supérieures quand elle a quitté l’Afrique, son continent d’origine, pour aller en France :

« A partir du moment où tu as quitté tes racines, le reste c’est pas très grave. C’est la première fois que c’est le plus dur ».

« Je n’avais pas décidé d’être expatriée toute ma vie, je ne m’étais jamais projetée. Ça m’a titillé d’aller vivre aux US et j’ai trouvé le moyen pendant mes études pour aller y vivre 6 mois. Ça m’avait beaucoup plu ».

Nathalie a travaillé sa première partie de carrière sur Paris et après quelques années l’envie d’aller voir autre chose est devenue très présente.  « Je performais dans ma boite et j’ai entamé des discussions pour envisager un transfert quelque part. Plusieurs options se sont présentées à moi : New-York, San-Francisco, Bangalore et Singapour. Initialement ce que je voulais c’était les US, mais je me suis dit que j’allais juste troquer ma vie hyper stressante de parisienne contre celle d’une new-yorkaise… Bangalore me paraissait être un gros gap après Paris… Singapour paraissait la destination qui répondait le mieux à nos aspirations. Mon mari y était déjà allé quelques temps auparavant et avait trouvé la ville sympa ».  Car le voyage se faisait à deux : le mari de Nathalie était prêt à la suivre. Musicien, il n’avait pas de certitudes sur son avenir professionnel à Singapour mais ce n’est pas ce qui l’a arrêté. « Pour David nous n’étions vraiment pas certains de comment il allait pouvoir travailler, on pensait qu’il n’ y avait pas forcement de place pour l’art en général à Singapour. Ce qui était totalement faux ! Le pays a une forte volonté de développer l’innovation, une forme de créativité, et la musique fait partie des domaines identifiés. David est un artiste très versatile, il est tour à tour producteur, musicien, créateur, professeur… et il a pu s’épanouir et trouver sa place dans tous ces rôles depuis notre arrivée ».

Nathalie et David sont donc arrivés en 2013, et se sont tout de suite plus dans cette Cité Etat. « Je ne suis pas une aventurière, j’aime quand c’est propre, carré et que ça tourne. Ici c’est ultra moderne, tout est accessible en 2 clics et en même temps je trouve qu’il y a une authenticité si l’on sait regarder, et il existe toujours un système D ». D comme débrouille mais aussi comme Délicatesse « c’est pas le gros folklore et les clichés, mais tu découvres des gens, des histoires, des portes cachées. C’est ce mélange qu’on a tout de suite kiffé ».

Dans les clichés qui me viennent à l’esprit quand on parle de Singapour justement il y a le coût de la vie très élevé. « Oui c’est très cher et d’ailleurs j’avais très mal négocié mon contrat au départ. Nous avions largement sous-évalué le coût de la vie et surtout l’importance d’avoir un package avec une assurance maladie. Quand je m’en suis rendue compte il était trop tard et renégocier ce point a été compliqué. Mais comme nous voulions avoir des enfants il fallait vraiment que ce point soit sécurisé. Ça parait banal dit comme ça, mais ce point de négociation nous a fait reporter nos projets de parentalité ».

Depuis ils ont eu deux enfants, qui ont maintenant 5 ans et 2 ans, tous deux nés à Singapour. « Grandir ici c’est extraordinaire : il fait beau toute l’année, tu es vraiment en sécurité, c’est propre, tu as la piscine du condo (complexe résidentiel), … et puis on a Cris, notre helper, qui est tout le temps là ! On a fait le choix de mettre notre aînée à l’école locale, donc les cours se font en anglais et en chinois. C’est toujours un challenge d’apprendre à ses gosses d’être des individus respectueux, reconnaissants, comprenant la valeur des choses. Mais il me semble que ça l’est peut-être encore plus ici».

Je lui demande à quoi ressemble leur vie sociale. Elle sourit : « au début comme tout bon nouvel expat on ne voulait surtout pas traîner avec des français. Ce qui a été possible car je travaillais avec des locaux ou des expats non français, et David collaborait avec des artistes locaux aussi. Mais au fil du temps, tu as quand même ton background… ta blague des Inconnus ne marche pas avec un non français tu vois ! On s’est donc fait quelques amis français, surtout des couples. C’est drôle mais on a fait une fête pour mes 40 ans et on s’est fait la remarque que tous nos amis sont des couples mixtes. Je pense qu’on s’est reconnu à travers cette identité. On ne la conscientise pas mais on fait partie d’un groupe : le groupe des couples mixtes ».

Aussi confortable et parfaite que semblerait cette vie, une ombre s’y invite depuis quelques temps : « c’est quand mon père est décédé il y a 5 ans que j’ai commencé à voir les choses autrement. Et avec les enfants maintenant, je réalise que la seule chose qui compte vraiment c’est la famille. En ce moment la question est donc de rentrer ou France… mais c’est un choix difficile… aujourd’hui je suis sur un rocketship dans une boite de la tech qui fonctionne super bien. Je suis identifiée comme un haut potentiel, mais la vie m’amène à réfléchir à changer de trajectoire. Aujourd’hui mon set-up devrait assurer un super avenir à mes enfants…

J’ai ce poids sur mes épaules car à la fin, si on rentre en France et que tout foire, ça sera d’abord ma responsabilité.

On aimerait rentrer sur Bordeaux, ou j’ai passé une grande partie de mes vacances d’été et mes études supérieures. Je suis en train de discuter avec ma boîte pour travailler avec le bureau parisien. David continuerait à faire sa musique ce qui pourrait lui apporter de beaux projets. Et on mettrait les enfants à l’école internationale pour qu’ils ne perdent pas l’anglais. »

Pour finir je lui demande qu’est ce qui a fait qu’elle se soit sentie aussi bien à Singapour toutes ces années ?

« Singapour ça me ressemble, c’est en phase avec ce en quoi je crois. C’est un subtil mix de super pro, super moderne, on avance vite, et à la fois il y a beaucoup de nuances …une culture, un rapport à l’autre, aux anciens, une dynamique interpersonnelle très particulière. C’est de perdre ça d’ailleurs, qui me fait peur à l’idée de partir, et retrouver des choses en France que je n’aime pas … comme par exemple le rapport à la réussite vécu comme quelque chose de suspect, le manque d’ouverture d’esprit, l’arrogance, les comportements de petit chef ou encore l’état d’esprit des gens qui ne supportent pas de voir les autres grandir».

Partagez cet article