Claire est partie à Séoul pendant un an pour une mission de création d’une nouvelle entité pour l’entreprise pour laquelle elle travaille depuis plusieurs années. « J’avais toujours eu une envie de partir à l’étranger, de me challenger en me mettant dans une situation que je n’avais encore jamais vécue. Je suis partie chercher plus qu’une aventure professionnelle. Une espèce d’envie d’aller voir comment je pourrais le vivre. Il faut dire qu’on est pas mal dans ma famille à avoir eu une expérience d’expat, mon père notamment. Ça m’avait donc toujours trotté dans la tête et j’avais déjà postulé à quelques offres à l’expatriation. Cette opportunité d’aller en Corée a été le parfait alignement des planètes… là j’avais une occasion en or avec ma boîte avec des garanties : une durée donnée, je savais que j’allais être accompagnée, et que j’allais rentrer. Le côté limitant dans le temps était rassurant pour moi. Et puis partir avec ma boite me permettait de garder un lien fort avec mes collègues de Paris. C’était confortable professionnellement et en même temps challengeant car il s’agissait de monter une structure à l’étranger. Le côté professionnel ne m’inquiétait pas car je savais qu’on allait s’en sortir. »
Il se trouve que Claire était justement allée en Corée six mois avant et qu’elle avait bien aimé Séoul. Donc quand elle a entendu parler du projet d’envoyer quelqu’un du siège en support pour un an, elle a rapidement fait savoir qu’elle était intéressée. « La destination peut faire peur et le fait que j’y sois allée avant m’a donné le courage de me positionner. Et puis la Corée est un marché intéressant, qui fonctionne beaucoup en local, mais qui permet de détecter les tendances, capter des nouvelles technos, des innovations… Paradoxalement la population coréenne est super high-tech et tradi. Les 15 dernières années ont montré que la Corée a su inonder le marché mondial, et donc c’est stratégiquement intéressant de s’y implanter ».
Bien entendu les dernières semaines avant le départ ont été bien remplies : vider l’appartement, stocker ses affaires le temps de son absence, faire ses valises pour 1 an et gérer la passation avec la personne qui la remplaçait à Paris. « Mais plus je rayais les choses sur ma liste, plus je me sentais prête, et du coup j’étais dans l’impatience. Avec l’envie que ça démarre. J’étais prête, j’avais hâte ! ».
Je lui demande si elle avait pris quelque chose de particulier dans sa valise qui l’aiderait à se sentir chez elle ? « Oui j’avais pris mes photos de ma famille et mes amis. Elles étaient affichées sur un cadre magnétique. Pouvoir voir les photos tous les jours, ça me faisait du bien. C’était mon petit truc positif ! »
Sur place l’antenne coréenne de sa boite avait mis à sa disposition un appartement meublé et avait organisé les divers rendez-vous pour le visa avec l’immigration. Claire a pris son poste dès le lendemain de son arrivée. « Je suis arrivée en décembre, en plein hiver, j’avoue que c’était un peu hard et que ça m’a paru long. Il faisait constamment très froid, et ça me limitait dans mon exploration de la ville car mon envie était vite coupée. J’ai pu commencer à vraiment sortir et découvrir la ville en Avril ».
Socialement cela n’avait pas été évident non plus. Claire s’est retrouvée face à la barrière de la langue, avec l’incapacité totale de comprendre les coréens dans leur langue. « C’est très dur de prononcer les mots en coréen, les mots sont des enchaînements de consonnes. Même le nom des quartiers ou des stations de métro je n’arrivais pas à les retenir, c’est étrange comme phénomène. Je me suis fait la remarque suite à business trip au Japon : A Tokyo en deux jours j’avais imprimé les noms des lieux, alors qu’en 4 mois à Séoul je n’y arrivais toujours pas. Ça n’a pas aidé à s’approprier les lieux. Ce qui n’était pas simple c’était la sensation d’isolement. Les coréens sont sympas mais pas chaleureux, pas super friendly. Face à toi ils sourient mais c’est dur de créer du lien. J’ai pu le faire avec certains coréens mais c’est parce que j’en connaissais déjà sur place, et c’était finalement des gens qui avaient également vécu une expérience d’expatriation. Ils sont toujours gentils , ils te parlent, mais ils vont vite se remettre à parler coréen et ils t’oublient totalement. Et puis pour certains te parler en anglais c’est compliqué car ils ne le parlent pas forcément bien et ils ne veulent pas perdre la face, donc ils ne prennent pas le risque de te parler. Mais j’ai beaucoup progressé en anglais. Notamment grâce à une londonienne qui vivait dans le même immeuble que moi. On a sympathisé, et j’avoue que ça faisait du bien d’être un peu avec une européenne, nous avions des repères culturels et sociaux communs. On a beaucoup parlé et par la force des choses mon anglais s‘est nettement amélioré. »
Claire a commencé à se sentir vraiment bien à Séoul à partir du mois de juillet.
« Je commençais à m’approprier les lieux, et même si je manquais de rapports sociaux je n’avais pas forcément envie de rentrer en France. Mais disons plutôt que le rythme de vie que je pouvais avoir en France me manquait : sortir, voir plein de gens différents, être dans l’improvisation… Là je vivais comme un poisson qui tourne en rond dans son bocal, avec toujours les mêmes lieux et les mêmes gens… Puis je suis partie en vacances aux US, et ça m’a fait un bien fou de me retrouver dans un environnement avec des repères que je connaissais. Et je comprenais tout ce que disaient les gens ! J’ai réalisé combien j’avais progressé en anglais. J’ai compris que je n’avais pas le mal du pays mais le mal de la culture occidentale peut être. Je suis rentrée à Séoul reboostée et tout a été différent après, plus facile. Et à partir de là le temps est passé vite, trop vite. »
Puis le jour du départ est arrivé et au moment de reprendre sa vie parisienne Claire a réalisé qu’elle n’était en fait pas vraiment prête à quitter Séoul. Le retour a été compliqué pour elle. « Je suis rentrée à Paris en pleines grèves des transports, tout était compliqué : voir mes potes, trouver un nouvel appart, reprendre mon rythme de vie… Et niveau job j’avais l’impression de déranger, que les gens ne savaient pas quoi faire de moi. Je n’avais plus vraiment de place et les discussions étaient en cours sur une prise de poste avec de beaux challenges, mais rien n’était finalisé. Autant ma boite m’a bien accompagné dans le départ, autant très peu de choses ont été faites pour me rendre le retour plus doux. Dans mon ressenti ça a été hyper violent. Et puis je me sentais en décalage avec tout le monde… ma famille me parlait et je sentais que j’étais ailleurs dans la discussion.
C’est comme si une part de moi était restée là-bas et que je ne pouvais donc pas être complète ici . »
Je lui demande ce qu’elle retire de cette expérience ?
« Une grande fierté car professionnellement c’est une réussite. C’est un vrai plus dans mon parcours. Mais le plus important pour moi reste l’aventure humaine, de s’être confrontée à un environnement inconnu, d’avoir rencontré des personnes de tous horizons et qui sont eux-mêmes en situation d’expatriation… Ca c’est ce que j’appelle une expérience de vie ! Et aussi ça me donne une plus grande confiance en moi, quand on vit intensément et qu’on s’en sort, même si c’est pas toujours facile, on grandit. Cette expérience, je suis prête à la revivre et je pourrais même aller encore plus loin. Ca me donne le courage de me projeter vers des projets plus personnels. J’aimerai finir par une citation qui me drive au quotidien, et qui figure sur une carte que j’ai achetée au Whitney Museum of American Art de New York en juillet : It always seems impossible until it’s done. »
Crédit Photo : Saveliy Bobov